Lettre d'actualités de la Fédération, Octobre 2016

Depuis septembre 2008, la FARAPEJ publie périodiquement une lettre à destination de ses adhérents pour mettre en avant certaines réflexions, informations ou bien des pratiques originales d'associations de la fédération.

Pour cette lettre 29, les différents encarts s'attardent sur :
- la Vie de la Fédération : Adhésion de l'association Nouvelles Voies, Actualités des groupes d'échange et de travail de la Fédération ;
- les Actualités de la Fédération : Colloque sur les RPE les 4 et 5 novembre 2016, Guide des associations prison-justice, JNP 2016, du 21 au 27 novembre, Interpellation de la DAP sur la baisse des budgets pour l'accueil des personnes détenues et de leurs familles dans les prisons à gestion déléguée ;
- les Actualités du monde prison-justice : Prison Insider : Vous doutiez ? Entrez, et lisez, Du changement du côté de la DAP, Surpopulation : les derniers chiffres du livre blanc du Conseil de l'Europe ;
- du Côté des associations membres : le CRI Haute-Garonne organise un colloque les 22 et 23 octobre 2016,
- les Publications et ressources ;
- l'Agenda de la Fédération.

Par ailleurs, vous pouvez aussi retrouver l'édito d'Alexis Saurin, président de la fédération : Pour en finir vraiment avec la surpopulation carcérale
Pour en finir avec la surpopulation carcérale ? Alors que la population carcérale atteint des records (69 675 personnes), le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a remis au parlement le 20 septembre dernier, un rapport sur l'encellulement individuel, intitulé Pour en finir avec la surpopulation carcérale. Si la FARAPEJ partage de nombreuses analyses qui sous-tendent le rapport (importance de l'encellulement individuel, nécessité de se pencher sur la vie en prison et sur la préparation à la sortie, nécessité d'une politique réductionniste), notre fédération ne peut pourtant valider les conclusions et préconisations de ce rapport. 

Alors que le rapport propose une analyse fine et précise de la situation - notamment une analyse des moyens d’une politique réductionniste - les conclusions soumises au parlement, dont les évaluations des besoins en places de prison, privilégient la construction. Elles font l’impasse sur une grande partie des analyses développées dans le rapport lui-même et sur des travaux précédents. Enfin, elles ne tiennent pas compte notamment du rapport Raimbourg de 2013 sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale ou des conclusions du jury de la conférence de Consensus, sans parler du tout récent livre blanc sur le surpeuplement carcéral du Conseil de l’Europe.

Il faut réduire. Pourtant, dans le contexte de forte inflation carcérale que l’on connaît depuis quarante ans, c’est en s’interrogeant sur la place de la prison plutôt que sur le manque de places de prison qu’on pourra résoudre le problème à moyen terme. Toute solution qui prévoirait la construction de prisons, sans s’attaquer à l’inflation carcérale ni engager une politique réductionniste, serait vouée à l’échec car elle s’attaquerait au symptôme et non aux causes du problème. Le rapport se conclut en affirmant qu'il faut "en finir avec les bonnes intentions, quitter le royaume des incantations et agir. Il ne suffit pas de camper au pied des murailles, il faut donner l’assaut". Prenons-le au mot : La FARAPEJ propose depuis fort longtemps la mise en place d’une politique réductionniste, passage obligé pour en finir vraiment avec la surpopulation carcérale, en suivant les pistes suivantes :

1- Considérer que la population carcérale n’est pas une donnée intangible à laquelle on doit s’adapter mais un facteur sur lequel on peut, et doit, jouer, par la réforme du système pénal.

2- Mettre en place un plan pluriannuel réductionniste impliquant l'ensemble des acteurs(magistrats, pénitentiaires, magistrats, secteur de l’insertion, dispositif de prévention, …) et déterminant un objectif de baisse de la population carcérale, planifié dans le temps.

3- Cette politique réductionniste devrait, pour être efficace, s’articuler selon trois axes: (i) l’instauration d’un numerus clausus qui se mettrait progressivement en place et manifesterait notre intolérance absolue à la surpopulation carcérale, (ii) la réduction des entrées, notamment par le développement des sanctions appliquées dans la communauté et (iii) la réduction des durées de détention, par le développement des aménagements et l’engagement d’une réflexion sur l’échelle des peines.

Et s’il fallait malgré tout construire ? Selon l'ambition du plan de baisse déterminé, la réduction suffira, ou non, à résorber la surpopulation carcérale sans construction supplémentaire. Si l’ambition du plan de baisse de la population carcérale n’était pas suffisante (c’est-à-dire si on ne la fait pas passer en dessous des 55 000 personnes détenues environ), résoudre la population carcérale ne pourra se faire sans construire des places de prison. Dans cette hypothèse, deux points nous semblent essentiels: (i) un plan de construction ne saurait être acceptable s’il n’est conditionné par l'engagement de la baisse effective de la population carcérale (sinon, continuera de courir derrière l’inflation carcérale comme depuis quarante ans) et (ii) les constructions (et rénovations) prévues devraient permettre d’y respecter l’encellulement individuel, mais bien plus largement d’y appliquer les règles pénitentiaires européennes. (Sur ce point, le rapport Urvoas fournit des pistes mais est loin de fournir de garanties.) En résumé, s’il fallait construire, on ne saurait continuer à construire n'importe comment ni n'importe quoi !

Les obstacles à la baisse. La FARAPEJ est convaincue que nous disposons des moyens d’une baisse importante de la population carcérale. Les magistrats semblent avoir été peu sensibles aux évolutions récentes, mais ce n’est pas une fatalité: la mise en place d’un numerus clausus va justement dans ce sens. Le principal obstacle à une baisse se résume simplement en trois points: (i) l’hystérisation actuelle de notre société sur les questions pénales et plus largement de sécurité, dans un contexte où notre société est évidemment et légitimement bouleversée par les attentats terroristes de ces derniers mois, (ii) l’utilisation, depuis bien plus longtemps, du débat sur la question pénale à des fins principalement politiciennes et pour tout dire assez démagogiques et (iii) le manque de courage politique de ceux qui pourraient, ou auraient pu, faire changer les choses.

Nos moyens d’action. Dans ce contexte, il est important que la FARAPEJ fasse part largement de ses analyses et des solutions que, sur le terrain, chaque associations développe sur le terrain, souvent avec des moyens pourtant dérisoires. Il est essentiel aussi que les membres de la FARAPEJ continuent, comme l’écrivait Jean Hoibian à la création de la fédération, de "se sent[ir] responsables de l'ignorance de leurs contemporains concernant les questions prison et justice. Cette ignorance est utilisée par une certaine politique dite "sécuritaire". Nous essayons donc, dans la mesure de nos moyens, de sensibiliser les habitants de notre ville en organisant des occasions d'information, de réflexion et de sensibilisation (expositions, conférences, débats, enquêtes, spectacles divers, etc...)” et que nous allions parler du fait que nous nous "méfi[ons] terriblement de la sanction prison" et que "nous souhaitons ardemment une transformation profonde de la vie en prison”.

Les JNP arrivent, certaines cartes sont entre nos mains !